C’était décidé. Il ne pouvait plus vivre à l’hôtel. C’était devenu trop dangereux. Il y avait trop d’agents d’Herinnen et il était le premier sur la liste de leurs suspects. Et tout ça n’avait même pas retiré l’envie qui lui taraudait le ventre de manger, se nourri comme un monstre encore et encore. Alors il avait du agir.
Ça avait plus simple qu’il ne le pensait : aborder une jeune Torienne sur la plage, lui payer une bouteille de vodka et la faire parler un peu. Il avait rarement du succès avec les femmes à cause de son accent et de son physique pas très très avantageux, mais il avait tout misé sur ce qu’il lui restait de charme et il avait eu les infos qu’il avait voulu avoir : Lester acceptait tous les Toriens dans la Maison sur la Colline. Parfait. Il pourrait faire semblant d’être débauché pendant une ou deux soirées, payer de la vodka à tout le monde en guise de loyer et avoir la paix. Etre protégé des démons d’Herinnen comme celle qu’il avait rencontré le soir dernier. Il n’était vraiment plus en sécurité à l’hôtel.
Aussi remonté contre les méthodes de ses collègues Toriens, il avait besoin d’eux et saurait se montrer utile auprès de ces petits incultes en temps voulu.
Alors, il fit ses valises. Même si ses parents l’avaient toujours trouvé très aventureux, lui-même si définissait comme très casanier et il avait horreur de faire ses valises. La jeune Torienne qu’il avait un peu draguée (et qui visiblement avait l’intention d’aller encore plus loin malgré leur âge très, très différent) était venu le chercher dans sa petite voiture et lui avait fait la conversation jusqu’au domaine de Lester. Heureusement, Espérance était une petite ville... Ce n’était pas tout à fait qu’il n’appréciait pas le fait qu’une demoiselle qui devait être devenue Torienne à même pas vingt ans, lui décrive les ébats sexuels de la nuit dernière, mais disons qu’il appréciait les demoiselles plus discrètes. Hélas, elles se faisaient rares.
Mais il ne put s’empêcher de lui sourire franchement quand elle le déposa à l’adresse exacte et s’en alla vite fait rejoindre des personnes qui devaient être bien plus drôles. Il se retourna donc vers l’élégante porte de cette jolie demeure regroupant cependant tous les monstres de la ville.
C’était un début d’après-midi assez chaud, le genre de journée qui vous donne envie de vous terrer dans une pièce sombre avec un clim à côté. Ulrich repoussa une mèche de cheveux qui avait réussit à se détacher de son catogan et passa ses mains sur les plis dans son jean et de sa chemise d’un bleu presque aussi clair que le ciel. Une fois assuré qu’il avait l’air à peu près avenant, il frappa à la porte. Si jamais Lester refusait, il n’aurait plus qu’à dormir sous les ponts (même s’il n’y en avait pas...) ou à déménager encore une fois. Il se demandait sincèrement où il irait s’il devait encore déménager. Dans un pays de langue anglaise ou française, les deux seules langues qu’il parlait à peu près bien. Il avait souvent été attiré par la Chine mais il ne savait pas quel goût avait leur peau et préférait s’installer dans des lieux avec des valeurs sûres. Pourquoi pas les Etats-Unis ? Avec tous les fous et les psychopathes, il pourrait passer pour un gentil tueur, un chasseur qui ne dépeçait que pour vivre. Si cela se trouvait, des mecs en quête d’argent pourraient même tourner un film sur les Toriens. Et ainsi réduire à néant tous les efforts de la section Herinnen à garder le secret et à exterminer les créatures de Tchernobyl. (ndla : non, pitié, ne me tuez paaaaas T.T) Peut-être même que ça ferait comme avec les vampires : il pourrait même devenir à la mode...
Après ses trois petits coups et son long moment de contemplation sur son hypothétique avenir, Ulrich entendit des pas. Des pas prononcés mais lents. On le faisait attendre bien. Si cela se trouvait, il allait voir un monde apocalyptique d’après-fête derrière cette porte. Ou peut-être allait-il voir une maison impeccable tenue par une foule d’esclaves humains prêts à se faire dépecer dans l’espoir de devenir immortel un jour, ces pauvres fous...
La porte finit par s’ouvrir sur un vieux majordome. Torien ou non ? A voir. Se reprenant très vite, Ulrich le regarda dans les yeux et avec son ton le plus neutre possible, il tenta un léger sourire :
- Bonjour, je souhaiterais m’entretenir avec Lester Hopkins. Est-il ici ?
Il espérait sincèrement. Il ne se voyait pas l’attendre dehors pendant des décennies. Il était bien sûr très patient, mais mal à l’aise aux yeux de tous, pauvre homme pommé en face d’une grande maison. Il n’aimait pas attirer les regards. On pourrait le reconnaître et lui demander ce qu’il faisait là. Il n’aimait pas non plus les questions.
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